Abbaye de Maubuisson

La ligne paysage

Les photographies d’Olivier Verley invitent à un entretien avec le temps. Le temps qu’il fait, le temps qui passe. Une leçon d’équilibre. Les images d’un guetteur de lumière. L’approche du paysage se fait à force de touches et d’attentes successives en lisière des champs, au bord des routes, le long des bois… Olivier Verley livre des instants de paysage qu’il garde en mémoire en notant scrupuleusement le jour et l’heure de ses clichés, façon de respecter ici une filiation spirituelle avec le photographe Pierre de Fenoyl dont il fut longtemps le collaborateur.

Les images d’Olivier Verley expriment un rapport étroit entre le ciel et la terre. Le cadre proposé par le photographe met en scène les éléments du paysage, indissociablement. Le ciel visite la terre de mille façons. Toujours semblables, jamais pareilles. Avant l’orage, après la pluie. Des trouées de lumière rapprochent ou éloignent la ligne d’horizon. C’est le règne d’un ciel somptueux et tourmenté. La lumière semble pleuvoir. La terre s’abreuve et révèle l’humanité de ses lignes : chemins, bordures, talus, labours, lisières… Rien de « naturel », de « sauvage » dans ces moments et ces manières de paysage, ces riches heures où l’on sent bien, malgré l’espace vide, une présence.

Pour mieux saisir les choses simples, les maisons, les granges, les monuments, le photographe prend soin de les situer dans un ensemble, un cadre généreux. Ainsi les flaques d’eau font miroir autour des éléments et les soulignent. Le choix d’une focale courte permet au photographe de garder une distance relativement lointaine. De même, le choix d’une émulsion sensible, très rapide, rajoute du grain au grain. L’image révélée fait apparaître, comme dans certains rêves, une accumulation de détails invisibles à première vue.

Les images qu’il réalise dans le Vexin, proche de son lieu de résidence à Auvers-sur-Oise, illustrent sa devise en forme d’aphorisme : « rien ne sert de courir, il faut partir pas loin ». L’instant privilégié d’un paysage en train de se faire, saisi sur le fait, donne des images d’une grande force. Témoins de ce travail de lumière. Pour Olivier Verley, dans ces moments qu’on dit « incertains », le ciel ne peut attendre.  Voici des images sensibles, empreintes des particularités d’une atmosphère de la région, de la micro-région (ici le plus souvent le Vexin) que le photographe recherche, comme il le fait en d’autres lieux (la Brenne, le Gers). Images non point seulement « belles » ou « documentaires » ou « bonnes pour la communication », mais hommages au temps et à ses mouvements, à ses caprices. L’image produite, longuement modelée dans le secret du laboratoire, restitue un peu de ces impressions que, fugitivement, par le carreau d’une fenêtre de train ou à travers le pare-brise d’une voiture, on tente en vain de fixer.

Cette seconde vue, concrétisée et magnifiée par l’acte photographique, permet d’appréhender autrement des paysages « tout à côté », entre ville et campagne. Le ciel saisi dans des gammes subtiles de gris, les terres mouillées, rehaussées de paille déchaumée, la pierre appareillée de lumière, passent dans ces images et s’y précipitent. Ces photographies sont la représentation d’un univers rêvé avant d’être vu ou à force d’être vu. Elles sont le résultat d’une patience et d’un travail de frein sur le temps qui rappelle le texte d’Alain Bashung : « c’est comment qu’on freine ? »

C’est cela même, pris dans un ensemble, qui a motivé la commande photographique passée par l’abbaye de Maubuisson au photographe et qui a décidé la mission écomusée à acquérir une collection de tirages originaux de l’œuvre d’Olivier Verley.

Pierre Gaudin, mission écomusée.